On n’en avait pas les preuves, mais on le subodorait depuis longtemps : le Russiagate n’était qu’une imposture. Le supposé scandale d’interférence russe dans l’élection présidentielle de 2016 était une manœuvre orchestrée par l’administration du président Barack Obama pour discréditer le gagnant d’alors, Donald Trump, et créer les conditions d’une possible procédure d’impeachment. Cela, tout en jetant l’opprobre sur la Russie, l’usual suspect de tout ce qui va mal dans le monde.
Aujourd’hui, c’est un membre important du gouvernement des États-Unis, Madame Tulsi Gabbard, qui l’affirme et qui lance des accusations graves de « conspiration » et de « trahison », dévoilant, documents à l’appui, des faits dénigrés alors – et depuis – comme « complotistes » par la grande presse, derrière le parti démocrate américain, une partie des républicains et ce que l’on pourrait appeler l’« Internationale de la Bien-pensance », réunie sous le slogan post-marxiste « Bien-pensants de tous les pays, unissez-vous ! »
Cette confirmation de ce que l’on imaginait depuis longtemps intervient plus de huit ans après les faits non seulement parce que les temps sont mûrs pour cela, mais encore et surtout parce que ce pavé dans la mare sert les intérêts politiques de Donald Trump comme une boule de billard qui tape trois bandes avant d’atteindre sa cible. Rappelons que, dans l’administration des États-Unis, Tulsi Gabbard occupe le poste de DNI (Director of National Intelligence). Le directeur du renseignement national est chargé de superviser et de coordonner les activités des 17 agences de renseignement des États-Unis, en servant de principal conseiller en matière de renseignement au président et au Conseil de sécurité nationale.
Voici le fond de l’affaire : le 19 juillet 2025, Madame Gabbard a publié des documents déclassifiés, qualifiés de « preuves accablantes » de l’un des plus grands crimes politiques de l’histoire des États-Unis. Ces textes montrent, selon elle, que de hauts responsables de l’équipe de l’ancien président Barack Obama – et le président lui-même – auraient conspiré pour « subvertir la volonté du peuple américain » après la victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle de 2016. Les documents, incluant un mémo intitulé « Russia Hoax Memo & Timeline » et un dossier de 35 pages, visent à démontrer que l’administration Obama a cherché à délégitimer la victoire de Trump par des allégations fausses et des « innombrables calomnies », dans ce qui est décrit comme une tentative de « coup d’État » au long cours contre le président élu, en utilisant des allégations fabriquées de toutes pièces sur une ingérence russe.
Les documents déclassifiés établissent trois points majeurs :
1) La Russie n’avait aucune capacité d’influencer l’élection : avant et après le jour du scrutin (8 novembre 2016), la communauté du renseignement a conclu à plusieurs reprises que Moscou n’avait ni l’intention ni la capacité de manipuler les résultats électoraux. Elle n’avait pas les moyens d’exécuter des cyberattaques généralisées et indétectables sur l’infrastructure électorale.
2) Cette conclusion a été étouffée et modifiée sous la direction de hauts responsables de l’administration Obama, et probablement d’Obama lui-même. Par exemple, un briefing présidentiel quotidien préparé le 7 décembre 2016, affirmant que la Russie n’avait pas manipulé l’infrastructure électorale, a été annulé quelques heures après sa rédaction.
3) Une évaluation de la communauté du renseignement publiée le 6 janvier 2017, s’appuyant en partie sur le dossier Steele (depuis discrédité), a servi de base à des enquêtes et à des tentatives de destitution contre Trump, malgré des dissensions internes signalant que ce rapport était une opération de renseignement « politisée ».
Le « dossier Steele », compilé en 2016 par l’ancien espion britannique Christopher Steele, est un ensemble de 16 rapports de renseignement qui contient des accusations non vérifiées – et largement remises en question depuis – sur une collusion entre l’équipe de Trump et le Kremlin, ainsi que sur l’existence de vidéos compromettantes détenues par les services russes pour faire pression sur celui qui n’était alors que candidat à la Maison Blanche. Dans un article pour The Spectator, l’éditorialiste Roger Kimball explique que le dossier en question s’est finalement révélé n’être qu’une œuvre de fiction malveillante, financée par la campagne d’Hillary Clinton.
Les documents publiés par Madame Gabbard confirment que le dossier Steele, jugé non fiable par le DNI de l’époque, James Clapper, et non crédible par le Conseil national du renseignement, a néanmoins été utilisé dans les conclusions biaisées de l’administration Obama sur le départ en janvier 2017.
Un article de American Thinker, intitulé “Gabbard’s ODNI bombshell: Obama central figure in Russia hoax” donne une chronologie précise des manipulations et met en lumière ce que le directeur Gabbard considère comme les événements clés.
Le plus significatif de cette affaire du Russiagate et des déclarations de Madame Gabbard est certainement qu’un président sortant, Barack Obama, choqué par la défaite d’Hillary Clinton, a supposément orchestré une série d’actions pour entraver la transition du pouvoir, déployant une stratégie de « guerre juridique » visant non seulement le président Trump, mais aussi son entourage.
Dans son article, Roger Kimball considère cette opération comme le plus grand scandale politique de l’histoire américaine. Or, en dépit de multiples enquêtes et révélations, aucun acteur clé n’avait jusque-là été tenu responsable, ce qui l’avait conduit l’auteur à douter d’une quelconque reddition de comptes. Pour lui, les déclarations de Tulsi Gabbard marquent un tournant. Même s’il reste dubitatif sur les résultats du déballage, l’auteur perçoit un changement dans « l’atmosphère politique ». Il estime que des poursuites contre des figures comme Barack Obama, Hillary Clinton et leur entourage sont désormais envisageables, même si l’expérience passée incite à la prudence.
La plupart des commentateurs aux États-Unis estiment que le président Trump tient enfin sa revanche sur la clique démocrate qui n’avait pas relâché ses efforts pour le détruire politiquement et même personnellement, et qu’il ne va pas lâcher facilement l’affaire, prêt à aller aussi loin que possible. Beaucoup s’interrogent sur le « timing » de l’affaire. Tulsi Gabbard – l’un des rares membres de l’équipe Trump à ne pas être néoconservateur ou assimilé – était plutôt discrète ces derniers temps après s’être fait rabrouer par son patron à propos du programme nucléaire iranien qu’elle avait estimé non existant lors d’une audition devant le Sénat des États-Unis, en mars dernier. Or, voici qu’elle jaillit sur le devant de la scène, et par un coup d’éclat !
Une explication plausible est qu’elle est en service commandé pour détourner l’attention du public de l’affaire Epstein dans laquelle Donald Trump s’est empêtré bêtement et la traitant de « canular » et en faisant affirmer par son entourage que la fameuse liste de clients – dont la publication était tant attendue par sa base MAGA – n’existait pas. Une inculpation d’Hillary Clinton et de Barack Obama et leur défèrement devant un Grand Jury ne serait pas pour déplaire à une grande partie de l’électorat du président, mais il n’est pas du tout dit que cela suffise à calmer l’attente d’une large partie de la population américaine, excédée par la mansuétude sinon l’impunité dont paraissent bénéficier les réseaux pédophiles. En tout cas, si l’attention n’est pas détournée, au moins elle sera diluée.
Reste un point annexe qui, tout bien considéré, pourrait être important : la troisième bande du billard, en d’autres termes le Russiagate. Ainsi, finalement, la Russie n’était pas coupable d’ingérence. Au moins sur ce point, « Evil Vlad », la source de tous les maux de la création, n’avait rien à se reprocher. Le véritable méchant était le prix Nobel de la paix Obama. Et s’il en allait de même pour d’autres péchés dont on charge le président russe ? Ainsi, à tout prendre, l’hôte de la Maison Blanche n’avait peut-être pas totalement tort d’engager le dialogue avec son homologue du Kremlin, même s’il a été « très déçu » par lui. Le détricotage du narratif sur l’empire du mal va-t-il se poursuivre ? On n’ose y croire[1]. Mais l’optimisme ne coûte rien, sauf un peu de déception après coup.
[1] De temps en temps, il n’est pas désagréable de se livrer à un peu de spéculation. Une hypothèse audacieuse serait la suivante : il reste 39 jours du décompte de 50 jours donné par Donald Trump à Vladimir Poutine le 14 juillet dernier. Il serait peut-être question d’une rencontre, à Pékin, de Xi Jinping avec le président américain et possiblement le président russe, le 3 septembre prochain à l’occasion des célébrations du 80e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Justement le 51e jour !